Ben et Gus travaillent comme tueurs à gages pour une mystérieuse organisation. Ça pourrait être la mafia comme ça pourrait être le MI5 - ou la CIA ou le KGB. Peu importe, en fin de compte, s’ils travaillent dans le privé ou le public. L’important, c’est qu’ils fassent le sale boulot sans se poser de questions. Ils doivent obéir, comme de bons petits soldats. Pinter fait sortir l’absurdité de leur situation à travers l’image centrale de la pièce - image très concrète et d’ailleurs tout à fait banale : le monte-plats. Ben et Gus reçoivent des commandes venues d’en haut. Il ne leur vient pas à l’esprit de ne pas obéir. On peut voir en ce monte-plats une version moderne et dérisoire du « deus ex machina », où l’on ne voit que la « machina » et le « deus » reste obstinément hors scène. Mais l’humour noir de Pinter ne s’arrête pas là - c’est aussi une image de notre société de consommation : le message arrivé d’en haut ne consiste pas en commandements, mais en commandes… de repas. On demande des plats de plus en plus exotiques, et Ben et Gus, les travailleurs enfermés dans un sous sol sans fenêtre, répondent comme ils peuvent avec de vieux biscuits et un paquet de thé. Une autorité sans visage avec des exigences incessantes et impossibles à satisfaire - on pourrait se croire chez Kafka si ce paquet de thé et ces biscuits ne venaient pas nous rappeler que cette société-là, c’est la nôtre.
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